Quand les ordinateurs familiaux sont arrivés sur le marché, j'étais préadolescent. Mon grand-père paternel a été le premier à en parler dans la famille ; il voulait en offrir un à ses petits-enfants : un pour mon frère et moi, et un pour mes cousines. Dans ma mémoire, le choix de l’appareil ressemblait à la préparation d’une expédition en Amazonie. Mon père et mon oncle étudiaient des comparatifs et compilaient toutes les informations dans un grand tableau manuscrit format A3. On aurait dit des généraux devant une carte préparant une bataille ; des scientifiques devant la trajectoire d’une comète allant percuter la terre ; des braqueurs de haut vol devant les plans de la Banque de France ; ou des conspirateurs préparant un coup d’État… Bref, leur affaire semblait compliquée, trop complexe pour le gamin que j’étais. Je me retrouvais donc exclu de la discussion, ce qui paraît paradoxal puisque cet ordinateur était avant tout destiné à moi.
J’entendais les adultes prononcer des noms : processeur, mémoire vive, mémoire morte, disque dur… Parfois, mes oreilles se dressaient et mon sang ne faisait qu’un tour lorsqu’ils prononçaient " Amstrad CPC 6128 ", le nec plus ultra de l’ordinateur domestique en 1985 avec son lecteur de disquette. C’était celui que possédaient mes amis et il était réputé le meilleur pour les jeux.

Bien sûr, mes espoirs ont été déçus puisque le choix de mes aînés s’est porté sur un TO7/70 avec son stylet. Ce choix a été justifié par le fait que le Thomson était un produit français et le mieux fourni en logiciels éducatifs. On peut imaginer ma déception.
#Le TO7/70
J'ai passé des nuits blanches avec ce TO7/70, une petite merveille de technologie avec son stylet et son lecteur de cassette qui mettait une éternité à télécharger ou enregistrer le moindre programme. Je passais des week-ends entiers à recopier des lignes de code pour des programmes qui ne fonctionnaient jamais, faisant les 3/8 avec mon père : un coup c’était lui, un coup c’était moi qui tapait, pendant que l’autre dictait. Personne ne parlait d’addiction à l’époque ; tout au plus ma mère craignait que je finisse épileptique, ce qui n’est bien sûr jamais arrivé.

Les Jeux
L’ordinateur familial était dans le salon, hors de question de l’avoir dans ma chambre. Bien qu’il n’y avait pas d’internet, j’aurais pu, je ne sais pas, jouer avec un programme qui calculait les plus petits et plus grands diviseurs communs, ou avec un jeu où une voiture doit sortir d’un labyrinthe avec un design à faire peur. Je me souviens surtout du décalage entre la présentation du jeu et le jeu lui-même, où seul l’imaginaire pouvait combler les manques. En termes de jeux, il y avait ceux que j’avais recopié et qui ne marchaient jamais, les jeux éducatifs que ma professeure de mathématique m’avait donné, et pour finir le seul jeu que je n’ai jamais acheté pour mon TO7/70.

Après que mon grand-père nous ait offert cet ordinateur, il a fallu acheter un écran et un meuble. Pour l’écran, j’ai eu de la chance : le moniteur faisait aussi télévision. Pour le meuble, ma mère a opté pour quelque chose de rustique, en accord avec le reste du mobilier et la tapisserie à grosses fleurs des années 80. Ensuite, il a fallu acquérir un casque avant que je puisse enfin investir dans deux joysticks et un jeu non éducatif. À la FNAC, perdu dans le rayon, j’ai hésité et finalement fait une mauvaise pioche. Le jeu, dont j’ai oublié le nom, était censé me faire incarner un agent secret, mais il était injouable. J’ai lutté pendant des mois pour dépasser le premier niveau sans jamais y arriver.
Il me restait les jeux offerts par ma professeure de mathématiques, négociés lors de la rencontre parents-profs en échange de quelques points supplémentaires sur ma moyenne. Les jeux n’étaient que des jeux mathématiques, et le seul plaisir était de les essayer tous en espérant trouver une pépite, un trésor que je n’ai bien sûr jamais découvert.
La programmation
Dans les années 80, avec un ordinateur, on pouvait jouer ou apprendre à programmer. Étant donné que jouer n’était pas top, je me suis donc essayé à la programmation. Mes compositions graphiques avec la fonction Random ressemblaient à de l’art électronique primitif, de l’art brut digital, la grotte de Lascaux de l’infographie. C’était fascinant et ridicule en même temps.
Pendant une année, j’ai suivi des cours de développement dans une MJC, mais je ne me souviens plus de ce que j’ai appris. Je me rappelle seulement que nous cassions les pieds à l’animateur pour jouer. Les ordinateurs étaient des MO5, et le jeu était inspiré du film Tron. Mon imagination faisait le reste.
Pendant une année, j’ai suivi des cours de développement dans une MJC, mais je ne me souviens plus de ce que j’ai appris. Je me rappelle seulement que nous cassions les pieds à l’animateur pour jouer. Les ordinateurs étaient des MO5, et le jeu était inspiré du film Tron. Mon imagination faisait le reste.

Le PC
Frustré par le jeu, limité par le matériel et le langage de programmation, et entravé par un manque de bagage culturel, voilà comment s’est déroulée ma découverte de l’informatique. Mon cousin, plus discipliné que moi, est rapidement passé au TO9 puis à son premier PC, et a fait du développement son métier. Mes compositions graphiques paraissaient bien limitées à côté. Mes parents, contrairement aux siens, n’ont pas jugé bon d’investir davantage, et je me suis désintéressé de ma machine. Même un lecteur de disquettes, ils n’ont pas voulu me l’acheter.
Avec mes premiers salaires, aux alentours de l’an 2000, je me suis acheté un PC. Pour le processeur, j’ai opté pour un AMD-K6, et bien sûr une carte d’accélération Vodoo 3DFX. Mais mes parents n’ont pas voulu que je tire un câble jusqu’à ma chambre pour me connecter à Internet. Je me suis donc essayé au HTML pour rien, découvrant Photoshop et autres logiciels, mais ce dont je me souviens le mieux, ce sont les plantages de Windows 98 !
Avec mes premiers salaires, aux alentours de l’an 2000, je me suis acheté un PC. Pour le processeur, j’ai opté pour un AMD-K6, et bien sûr une carte d’accélération Vodoo 3DFX. Mais mes parents n’ont pas voulu que je tire un câble jusqu’à ma chambre pour me connecter à Internet. Je me suis donc essayé au HTML pour rien, découvrant Photoshop et autres logiciels, mais ce dont je me souviens le mieux, ce sont les plantages de Windows 98 !
